Agir ici, agir ailleurs ?

Extrait de la lettre d'information de Pédiatres du Monde. Septembre 2024

Une action menée en dehors de la France est qualifiée d’humanitaire. En France, on parlera plutôt d’action sociale. Simple différence de lieu, de gravité, de priorité ? Pour nous la vraie question n’est pas là mais plutôt de savoir où nos actions peuvent être utiles.

On ne peut nier que le quotidien du pauvre en Asie et en Afrique n’est pas le même que celui du pauvre en France mais ici comme ailleurs, la précarité est omniprésente. Et dérangeante. Et culpabilisante.

L’État a la responsabilité de prévenir la pauvreté et la précarité. En France des initiatives positives existent : les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) ont été créées par des médecins sur tout le territoire en 1998, suivies de la Couverture Maladie Universelle (CMU) et de l’Aide Médicale d’État (AME) en 1999.

Les ONG ont également un rôle crucial à jouer auprès des personnes les plus vulnérables. Certaines ONG françaises, spécialisées dans le domaine médical, ont ressenti la nécessité de s’impliquer auprès des sans-abris, des Roms, des prostituées, des toxicomanes et des populations migrantes en grande précarité. Médecins du Monde s’est investi dès 1986. Notre ONG, Pédiatres du Monde, a travaillé avec la population pédiatrique des Roms à Lille, puis avec les enfants des migrants à Ivry-sur-Seine et à Paris à partir de 2021, en partenariat avec le Centre d’Action Sociale Protestant (CASP) à l’Espace Solidarité Insertion Familles de Bonne Nouvelle (familles avec enfants en situation de rue). On peut aussi citer la Croix rouge, Emmaüs... On ne peut toutes les citer mais elles sont nombreuses.

La question de savoir si nous sommes plus utiles ailleurs qu’ici est complexe. Pour les migrants que nous rencontrons, en France, nous sommes convaincus que ceux qui sont partis de chez eux l’ont fait plus par nécessité que par choix. Et nous, pédiatres, pensons que leurs enfants ne doivent pas en payer le prix fort.

Telle est la position éthique prise déjà par Diogène le Cynique (413-323 av. J.-C.) qui  fut le premier à se déclarer « natif d’un lieu tout en étant citoyen du monde », en réponse à Alexandre le Grand qui lui demandait de quelle cité il était originaire.