Bonjour, je vous envoie un extrait d’un roman adulte, Pleine et douce de Camille Froidevaux-Metterie, qui raconte l’histoire d’une enfant, Ève, issue d’une PMA avec une maman célibataire. Chaque chapitre est le point de vue d’une femme qui gravite autour de ce bébé : tante, nourrice, mère, cousine, grand-mère mais le premier cha- pitre est le point de vue du bébé lui-même. J’ai adoré cette description pleine d’humour et d’un grand réalisme de la consultation pédiatrique et j’ai pensé qu’on pourrait la partager dans le pédiatre, en publier un extrait....

En tout cas moi ça me toucherait beaucoup d’être le pédiatre de cette enfant !!!

La consultation vécue par l’enfant


…C’est mon huitième ou neuvième rendez-vous, je ne compte plus, mais je connais bien la musique et je l’adore. La porte s’entrouvre, nous entendons notre nom prononcé d’une voix grave. C’est le signal, elle bondit sur ses pieds, me réajuste dans le porte-bébé, attrape son sac et se dirige vers la voix. « Bonjour doc- teur », « Bonjour madame, bonjour Ève’ », je réponds par un sourire. C’est si rare qu’on m’appelle par mon prénom, le plus souvent, on me nomme oiseau bleu, chérie d’amour, choupette, et on prend soin d’y accoler un possessif. J’apprécie donc de redevenir moi-même un instant, même si c’est généralement dans la bouche de représentants du corps médical ou de l’administration. Dans le cas du docteur, je sens que ce n’est pas seulement formel, je sais qu’il s’adresse à moi comme à une personne et ça fait un bien fou. Quand il me regarde droit dans les yeux en me demandant si je vais bien, je ne suis plus cette petite masse que l’on manipule, transporte, tripote, je suis Ève. Evidemment, elle répond à ma place, dit que je suis en pleine forme d’un ton à la fois fier et gêné, comme si elle avait du mal à y croire. Car elle a du mal à y croire. Tout en me déshabillant, elle parle de mes biberons avalés avec joie, de ma digestion parfois un peu bruyante, de mes selles toujours régulières. Il l’écoute patiemment, mais je vois bien qu’il est un peu agacé, pas tant par ses paroles un peu mièvres, dont il doit avoir l’habitude, que par ses gestes doux et lents, si lents... Quand enfin il peut me retirer de son giron, c’est une autre affaire. Je suis tenue ferme- ment, mesurée, pesée, redressée, auscultée, le tout assez rapidement, mais avec beaucoup de précision. J’aime ce moment, j’aime l’assurance de ses grandes mains, j’aime

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