Emmanuelle Piquet, thérapeute selon l’École de Palo Alto, maître de conférences à l’Université de Liège

Telle est la question que se posent légitimement un certain nombre de soignants et un certain nombre de thérapeutes en formation tant il leur a été inculqué pendant leurs études, notamment lorsque ces dernières s’appuyaient très fortement sur le modèle psychodynamique (celui de la psychanalyse), qu’une neutralité de bon aloi était de mise dans cette relation particulière et que la posture de sachant ne devait être dégradée par une quelconque émotion relevant d’un champ sans doute jugé trop personnel. La peur du fameux transfert sans doute.

Comme je ne suis clairement pas d’obédience analytique, ce mode d’emploi relationnel particulièrement rigide me semble très étrange en tant que clinicienne de la relation d’aide. Et il me semble que nous partageons ce point de vue avec nombre de pédiatres toutes générations confondues, c’est en tout cas ce que j’ai pu vérifier en tant que maman de jeunes enfants (reconnaissance éternelle à la pédiatre de mes enfants qui se reconnaîtra si elle lit ces lignes) et en tant que formatrice de ce public qui fait partie de mes étudiants préférés. Sans doute que pour ces derniers, l’irruption fréquente et spontanée des rires enfantins, de terreurs juvéniles, d’ingénues tristesses au sein des consultations les a habitués à une plus grande souplesse que certains de leurs confrères. Et je m’en réjouis à la fois pour eux-mêmes et pour leur patientèle.

Car outre les ulcères qu’il ne manque sans doute pas d’induire chez nombre de soignants (« ne ressens pas ce que tu ressens, ou alors sois gentil, fais-le à l’intérieur de toi » ce qui envoie le même message implicitement au patient), il nous semble en conséquence très anti-thérapeutique dans un certain nombre de cas. Créer l’alliance avec son patient, cette alliance si essentielle à l’accompagnement, à la confiance qu’il nous fera pour l’aider à apaiser ses souffrances, ne peut pas se faire uniquement par la voie de l’intellect ; savoir le rejoindre dans les émotions souvent intenses que génère le problème qu’il vient nous confier est un ingrédient majeur de cette fameuse alliance. Tant en ce qui concerne les enfants que leurs parents.

Je me souviendrai toute ma vie de la maman de Lila venue me voir parce que la veille, sa petite fille était morte d’une leucémie. Que faire d’autre que pleurer avec elle, en lui tenant les mains ? Comment croire un

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