L’AFPA, la Société Française de Pédiatrie (SFP) et l’ensemble des organisations pédiatriques souhaitent continuer à soutenir fortement la nécessité d’une scolarité régulière et présentielle, et être force de propositions pour les différents aménagements qui permettraient le maintien de cet objectif essentiel.

Le constat

  • Les différentes mesures prises pour la période de scolarité du 1 septembre au 16 octobre ont permis une fréquentation régulière des enfants, sans impact sanitaire significatif ni pour eux, ni pour leurs enseignants, ni pour la dynamique de l’épidémie.
  • Plusieurs publications majeures s’intéressant à la transmission de SARS-CoV2 par les enfants ont été publiées en septembre et octobre : aucune ne remet en cause les fondements scientifiques des propositions de la SFP, émises fin août.
  • La circulation virale intense qui a concerné les jeunes adultes pendant plusieurs semaines impacte désormais les personnes plus âgées, mais également les enfants, ce qui expose à un risque augmenté de cas groupés en milieu scolaire, imposant potentiellement des mesures complémentaires.
  1. Bilan de la scolarité en septembre – octobre

Les chiffres fournis par Santé Publique France (1) et par le Ministère de l’Education Nationale (2) permettent d’attester que la reprise scolaire ne s’est pas associée à un échappement épidémique concernant les enseignants ou les élèves, notamment les enfants de moins de 10 ans qui fréquentent leur collectivité sans masque :

  • Les fermetures de classe, tous niveaux confondus, sont restées une exception : 0,2% des classes le 25 septembre et 0,06% le 16 octobre.
  • Le nombre d’adultes travaillant dans les écoles, ayant présenté une infection confirmée à SARS-CoV2 est conforme aux valeurs attendues dans la population générale et n’a augmenté que durant la dernière semaine : 0,11% le 18 septembre ; 0,11% le 09 octobre, 0,16% le 16 octobre.
  • Les enfants de moins de 10 ans ont été les moins touchés par la résurgence de l’épidémie. Les taux de positivité des tests et les taux d’incidence des cas de SARS-CoV2 chez les 0-9 ans sont les plus bas de la population française.
  • Le nombre hebdomadaire de nouvelles hospitalisations d’enfants de moins de 15 ans pour infection à SARS-CoV2 représente moins de 1% de l’ensemble des hospitalisations pour cette infection, tous âges confondus.
  1. Analyse des nouvelles connaissances sur la transmission de SARS-CoV2 par les enfants.

La SFP a déjà publié une revue exhaustive des données de transmissions pédiatriques jusqu’en août 2020 (3). Les études majeures publiées depuis septembre permettent de consolider les points suivants :

  • Les enfants sont le point de départ de chaines de transmission dans moins de 10% des cas ;
  • Il existe des cas de transmission d’enfant à adulte ou d’enfant à enfant, mais ces descriptions restent ponctuelles et très minoritaires ;
  • Les expériences de réouverture scolaire témoignent de la rareté des transmissions d’enfant à enfant dans le milieu scolaire, et de l’absence d’impact sanitaire sur les professionnels au contact de ces enfants.

Détail de 8 études majeures récentes

  1. L’étude sur les taux de transmission dans deux régions d’Inde (4) montre que :
  • Les enfants 0-17 ans sont rarement initiateurs d’une chaine de transmission et ne représentent que 7,1% des 84 965 cas index analysés
  • Le caractère peu transmetteur des enfants et en particulier des jeunes enfants est renforcé. Parmi les 28 367 contacts à haut risque infectés, seuls 220 (<1%) sont attribués à des index 0-4 ans et 1 686 (6%) à des index 5-17 ans. Par comparaison, les index 18-39 ans sont à l’origine de 43% des contacts à haut risque infectés.
  • Les enfants sont néanmoins capables de transmettre l’infection aux contacts avec lesquels ils sont en interactions répétées, sans protection. Dans le contexte épidémique global décrit dans ce papier, la contribution des enfants à la dynamique épidémique reste très faible : 13 des 363 contacts 0-4 ans à haut risque infectés (4%) l’ont été à partir d’enfants 0-4 ans et 308 des 2 715 contacts 5-17 ans à haut risque infectés (11%) l’ont été à partir d’enfants 5-17 ans.
  1. Expérience de la transmission de COVID-19 dans une crèche de Pologne (5).

Cette étude retrace une expérience ponctuelle de cas groupés chez des adultes et nourrissons fréquentant une crèche. Il est difficile d’interpréter cette étude, car cette épidémie est décrite comme survenant malgré des règles sanitaires strictes, incluant le port d’un masque par les employés de la crèche lors des contacts avec les enfants et les parents. Néanmoins :

  • Le point de départ des transmissions est lié à des cas adultes, dans la crèche (5 adultes) et très sûrement intrafamilial pour au moins deux familles.
  • Des nourrissons peuvent s’infecter dans ce contexte de forte proximité avec des adultes infectés. Le rôle des nourrissons dans la transmission intrafamiliale est difficile à établir dans le cadre de cette étude, mais ne peut être exclu. Au total, 8 des 28 (29%) enfants 1-2 ans de la crèche sont infectés et 12 des 48 (25%) membres des familles des enfants infectés sont également infectés.

C’est actuellement la seule étude publiée d’épidémie en crèche. Une étude française réalisée dans les crèches des hôpitaux (COVIDOCRECHE) confirme le très faible taux de contamination des enfants et des adultes travaillant en crèche et le fait que le peu d’enfants infectés l’ont été quasi-exclusivement par un adulte de la famille.

  1. Expérience de 3 épidémies dans des collectivités d’enfants à Salt Lake City (6).

Entre le 01/04/20 et le 10/07/20, 17 collectivités de la région de Salt Lake City, incluant les camps d’enfants, ont été notifiées avec au moins deux personnes infectées (adulte ou enfant) en moins de 14 jours (« outbreak »). Les résultats montrent :

  • La rareté des épidémies en collectivité. Même si le nombre total de collectivités dans cette région n’est pas donné, le nombre de 17 apparait très faible sur une durée de plus de 3 mois.
  • Dans les 3 épidémies décrites, le point de départ est un cas adulte et le taux d’infection est deux fois inférieur chez l’enfant (13/110, 12%) que chez l’adulte (18/74, 24%).
  • Presque la moitié des cas infectés (n=15) sont observés dans la collectivité dans laquelle les adultes ne portaient pas de masque.
  • La transmission d’enfants à adultes du domicile est possible mais rare. Parmi les 46 contacts hors collectivité de 12 enfants infectés, 7 ont une infection prouvée (supposée transmise par un nourrisson de 8 mois et 6 enfants de 6-10 ans) et 5 une infection « probable » (test non fait).
  1. Etude du taux de transmission parmi les personnes gardant des enfants (7).

Cette étude américaine ne retrouve aucune différence de taux d’infection ou d’hospitalisation durant les 3 premiers mois de la pandémie entre des personnes ayant continué à garder des enfants, et celles qui ont stoppé cette activité. Il s’agit dans 81% des cas de gardes d’enfants qui ont moins de 6 ans. Les mesures de protection étaient variables (35% avec masque). Une analyse complémentaire cas-contrôle avec score de propension est réalisée et conforte la conclusion : la garde d’enfants de moins de 6 ans n’expose pas à un sur-risque d’infection ou d’hospitalisation pour les adultes assumant cette charge.

  1. Rôle des enfants dans la transmission intrafamiliale : expérience de l’Utah et du Wisconsin (8).

Cette étude analyse 33 clusters au sein de domiciles comprenant au moins 1 enfant. Les résultats montrent :

  • La confirmation de la rareté du point de départ pédiatrique des clusters intrafamiliaux : un enfant est le cas primaire pour 1/33 clusters (3%).
  • Les taux d’attaque secondaires ne sont pas différents qu’il s’agisse d’adultes (30%) ou d’enfants (28%). De nombreuses autres études ont démontré le contraire.
  • Les transmissions d’adulte à adulte ou d’adulte à enfant sont de très loin prédominantes : au sein des 33 domiciles avec enfants, 16/18 adultes infectés l’ont été par transmission adulte-adulte et 2/18 par transmission enfant-adulte ; 18/19 enfants infectés l’ont été par transmission adulte-enfant et 1/19 par transmission enfant-enfant.
  1. Expérience grecque à propos de 203 enfants infectés par SARS-CoV2 en Grèce (9).

La contamination a eu lieu au sein du domicile dans 74% des cas. Un adulte est le 1er cas identifié dans 125/132 (95%) clusters familiaux. Une seule transmission adulte-enfant a été observée.

  1. Surveillance des épidémies en milieu scolaire : expérience de l’Allemagne de mars à août 2020 (10).

Sur un total de 8 841 épidémies répertoriées, impliquant 61 540 cas, les écoles ne représentent que 48 situations (0,5 %), impliquant 216 cas. Parmi ces 216 cas, 102 (47%) concernent des adultes (21 ans ou plus), 39 (18%) des 15-20 ans, 45 (21%) des 11-14 ans, et seulement 30 (14%) des 6-10 ans. Cinq des épidémies en milieu scolaire sont reliées à des épidémies hors école. 10/48 des épidémies en milieu scolaire ne concernent que des adultes.

  1. Transmission intra-scolaire : expérience du Baden-Wurttemberg à la réouverture des écoles en mai 2020 (11).

Cette rentrée a été instaurée avec une réduction de 50% des groupes en classe, des mesures d’hygiène renforcées, mais pas de port de masque en classe, même au lycée. Parmi les 0-19 ans, 137 ont été infectés et ont poursuivi une fréquentation scolaire pendant leur période infectieuse. Des cas secondaires, au sein de l’établissement scolaire, n’ont été observés que pour 6/137 (4%), avec un total de 11 cas secondaires (3 en pré-primaire, 1 en primaire, 4 en secondaire, et 3 en classe professionnelle). Au total, sur les 266 cas 0-19 ans notifiés au niveau régional et dont l’origine de la transmission est documentée, le domicile représente 190 cas (71%), les évènements festifs 38 cas (14%), l’école 11 cas (4%), les autres situations 23 cas (9%).

  1. Vigil : Etude réalisée par les pédiatres de l’AFPA, le Groupe de Pathologie Infectieuse pédiatrique, et plusieurs urgences pédiatriques réparties sur tout le territoire national.

Plus de 1 500 enfants âgés de 1 mois à 15 ans, présentant de la fièvre et/ou des signes respiratoires, et/ou des signes digestifs, ont été testés par PCR entre le 10 juin et le 1er Aout. Le taux global de PCR positives était de 1,4% : 1 % chez ceux qui n’avaient pas eu de contact familiaux et près de 10 % pour ceux ayant eu un contact intrafamilial. Cette étude montre que le seul facteur de risque prédictif d’une PCR positive chez l’enfant est le contact intrafamilial.

Perspectives pour la scolarité de novembre et décembre 2020

La rentrée du 02 novembre, après les vacances de la Toussaint, va se dérouler dans un contexte national préoccupant, avec une circulation virale intense et une augmentation très nette du nombre de cas dans toutes les tranches d’âge adulte. De façon logique, l’augmentation massive du nombre de cas adultes s’associe déjà, et va s’associer plus encore, à une augmentation du nombre d’infections chez les enfants au contact de ces adultes. Si le nombre de nouvelles infections chez l’enfant de moins de 10 ans ne représente que 2% du total des nouveaux cas hebdomadaires, le nombre brut de nouveaux cas observés en Semaine 42 était le plus élevé de ces dernières semaines (n=3794) avec un nombre de classes fermées légèrement augmenté (293 classes fermées en semaine 42, 199 la semaine précédente). Avec l’augmentation de l’incidence de la maladie chez les adultes, le taux d’enseignants infectés est également passé de 0,11% l’avant-dernière semaine à 0,18% la dernière semaine précédant les vacances de Toussaint. Pour la première fois également, depuis la rentrée de septembre, la semaine 42 a été caractérisée par une augmentation des nouvelles hospitalisations chez les enfants de 0-14 ans : 125 nouvelles hospitalisations, contrastant avec les chiffres globalement stables sur les 6 précédentes semaines, avec une moyenne de 54 nouvelles hospitalisations hebdomadaires. Les enfants ne représentent toutefois que 1% des nouvelles hospitalisations.

Cette augmentation du nombre de cas chez les jeunes enfants va impacter la gestion des écoles et collectivités  avec probablement un nombre croissant de classes devant fermer du fait de cas groupés.

Nos propositions faites fin août sont restées cohérentes avec les données épidémiologiques des mois de  septembre et octobre. Les chiffres observés durant ces deux mois attestent de leur bien-fondé.

Le contexte de novembre et décembre se profile bien différent et l’objectif doit impérativement rester celui de maintenir une scolarité régulière et présentielle, tant les effets délétères du confinement ont été nombreux sur le bien-être global des enfants. A cette fin et dans notre contexte national actuel, nos propositions sont les suivantes :

  • Renforcer l’application stricte des mesures d’hygiène préconisées dans les établissements scolaires, en particulier la diminution du mixage des classes notamment à la cantine.
  • S’assurer du dépistage rapide des enfants exposés à leur domicile à un cas de COVID19. Les TROD SARS-CoV-2 vont indiscutablement faciliter le dépistage des enfants contagieux. Une sensibilisation massive et répétée de tous les parents sur ce sujet nous semble indispensable. Une information en temps réel du responsable d’établissement semble également nécessaire.
  • Renforcer l’information concernant les indications à tester un enfant développant des symptômes en l’absence de toute notion de contact avec une personne infectée par SARS-CoV2 par des TROD-SARS-CoV-2.
  • Mettre en place des indicateurs d’alerte qui imposeraient de nouvelles mesures pour diminuer la circulation virale au sein des établissements scolaires : par exemple, doublement du nombre de classes fermées en une semaine, augmentation au-delà de 15% du nombre de tests positifs chez les 0-9 ans, doublement du nombre d’hospitalisations pédiatriques ?.
  • Parmi les nouvelles mesures susceptibles de diminuer la circulation virale en milieu scolaire, l’extension du port du masque entre 6 et 11 ans peut être envisagé, bien qu’à ce jour aucune preuve d’efficacité n’existe dans la littérature.
  • Développer les campagnes de vaccination antigrippale et anti-rotavirus pour limiter l’impact additionnel de ces virus dans notre contexte spécifique.

Références

  1. Santé Publique France. Point épidémiologique hebdomadaire. https://www.santepubliquefrance.fr/
  2. Education Nationale. Point de situation hebdomadaire. https://www.education.gouv.fr/covid19-points-de-situation-306444
  3. COVID-19 and schools. Guidelines of the French Pediatric Society. Arch Pediatr 2020 Oct;27(7):388-392
  4. Laxminarayan et al. Epidemiology and transmission dynamics of Covid-19 in two Indian states. Science, 1126/science.abd7672 (2020)
  5. Okarska-Napierała et al. SARS-CoV-2 Cluster in Nursery, Poland. Emerg Infect Dis 2020 Oct 9;27(1)
  6. Lopez et al. Transmission Dynamics of COVID-19 Outbreaks Associated with Child Care Facilities – Salt Lake City, Utah, April-July 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2020 Sep 18;69(37):1319-1323
  7. Gilliam et al. COVID-19 Transmission in US Child Care Programs. 2020 Oct 14:e2020031971
  8. Laws et al. Symptoms and Transmission of SARS-CoV-2 among Children-Utah and Wisconsin, March-May 2020. Pediatrics 2020 Oct 8;e2020027268
  9. Maltezou et al. Children and Adolescents With SARS-CoV-2 Infection: Epidemiology, Clinical Course and Viral Loads. Pediatr Infect Dis J 2020 Oct 6. Online ahead of print
  10. Otte Im Kampe et al.Surveillance of COVID-19 school outbreaks, Germany, March to August 2020 Euro Surveill 2020 Sep;25(38):2001645
  11. Ehrhardt et al. Transmission of SARS-CoV-2 in children aged 0 to 19 years in childcare facilities and schools after their reopening in May 2020, Baden-Württemberg, Germany. Euro Surveill 2020 Sep;25(36):2001587