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Impact délétère d’un anti-inflammatoire non stéroïdien pris pour fièvre ou douleur aiguë en cas d’infection streptococcique

mars 2025 Revue Thérapies

Résumé

Depuis plusieurs années, les centres régionaux de pharmacovigilance alertent sur le risque d’aggravation des infections bactériennes cutanées ou pulmonaires à streptocoques pyogènes ou à pneumocoques, après la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), notamment l’ibuprofène. Une nouvelle expertise présentée à l’Agence du médicament en 2024 a colligé en 4,5 ans, 216 cas d’infections bactériennes graves (162 avec ibuprofène, 54 avec kétoprofène) après la prise d’AINS pour fièvre ou douleur aiguë, soit environ 21 % des effets indésirables graves avec l’ibuprofène (8 % pour le kétoprofène). Les infections streptococciques étaient majoritaires pour l’ibuprofène (62 % des cas d’infection bactérienne graves ; 44 % pour le kétoprofène). Ces infections streptococciques étaient invasives (97 %), à type de sepsis sévère/choc toxinique, de pleuropneumopathie, de méningite/méningoencéphalite et de dermohypodermite nécrosante. Les études de pharmaco-épidémiologie suggèrent toute une association entre l’exposition à un AINS et une augmentation du risque de complications pleuropulmonaires avec une estimation du risque compris entre 1,8 et 8. Plusieurs données mécanistiques sont également en faveur d’un effet délétère spécifique sur la gravité des infections invasives streptococciques, par un effet propre, intrinsèque des AINS sur l’amplification de la diffusion des streptocoques (via la vimentine). Des études expérimentales, chez l’animal, démontrent également ce risque, même quand l’AINS est associé à un antibiotique. En conclusion, en présence d’une infection streptococcique, qu’elle soit diagnostiquée ou non, la prise d’un AINS pour fièvre ou douleur aiguë, même sur une courte durée, et même associée à un antibiotique est une pratique à risque. Elle favorise l’évolution vers une infection streptococcique plus grave, non seulement en retardant la prise en charge de l’infection, mais surtout en favorisant la dissémination du streptocoque. Dans la mesure où les infections invasives à Streptococcus pyogenes sont un réel problème de santé publique, tout facteur de risque potentiel d’aggravation doit être pris en compte.